Alors que les arrivées touristiques reculent au premier trimestre 2025, Maurice voit s’éroder l’enthousiasme de ses visiteurs européens. Concurrence régionale, attentes nouvelles et perception d’un luxe figé obligent l’île à se réinventer.
Avec 326.389 visiteurs recensés entre janvier et mars 2025, l’île Maurice accuse une baisse de 5,8 % par rapport à l’année précédente. Ce repli concerne principalement les marchés européens — France, Allemagne, Royaume-Uni — qui constituent le socle traditionnel de la fréquentation de l’île. Pendant ce temps, les Seychelles, Zanzibar ou encore les Maldives enregistrent une progression soutenue. De quoi questionner un modèle jusque-là considéré comme robuste.
La Mauritius Tourism Promotion Authority (MTPA) y voit avant tout une conjonction de facteurs conjoncturels : baisse générale du long-courrier (-16 % selon Les Entreprises du Voyage), effet d’appel du Japon et d’autres pays d’Asie récemment rouverts, saison de ski prolongée en France, et climat d’incertitude économique. L’institution souligne toutefois que Maurice reste « dans le top 20 des destinations favorites des Français pour l’été, avec une progression de 5,3 % des réservations », et assure redoubler d’efforts pour relancer la dynamique, notamment via une nouvelle campagne de promotion prévue prochainement.
«Bien que nous constations une diminution des arrivées touristiques, nous refusons de rester de simples spectateurs. Nous nous engageons activement à façonner notre avenir. Je suis convaincu que l’avenir de l’île Maurice est prometteur», assure au Figaro, Avinash Teelock, tout nouveau directeur de la MTPA.
Des signaux divergents sur le terrain
Sur le terrain, les perceptions varient. Frédéric Savoyen, PDG du voyagiste haut de gamme Eluxtravel, constate au contraire une progression des réservations vers l’île depuis le début de l’année. «C’est le fruit d’un travail mené depuis deux ans pour valoriser Maurice au-delà de ses plages : patrimoine culturel, gastronomie, randonnées… », souligne-t-il. Il insiste également sur la qualité de l’accueil et la densité de l’offre hôtelière : «L’excellence mauricienne est toujours reconnue.»
Même satisfaction du côté de Stéphane Poupinel de Valencé, directeur général de Beachcomber Resorts & Hotels : «Nos clients recherchent une destination sûre, avec des prestations en adéquation avec ce qu’ils paient. L’environnement, le service attentionné, la qualité de la table et les activités incluses participent toujours à leur fidélité. »
Une offre qui peine parfois à se renouveler
Mais tous ne dressent pas un tableau aussi positif. Matthieu Mariotti, directeur adjoint du tour operating chez Kuoni, estime que le positionnement de Maurice doit évoluer pour rester dans la course. «La plupart des établissements haut de gamme sont vieillissants. Même rénovés, ils pâtissent de leur structure d’origine moins recherchée aujourd’hui. Et très peu offrent des villas avec piscine, pourtant très demandées par notre clientèle haut de gamme.»
Le professionnel et grand voyageur pointe aussi une perception d’un service devenu inégal, et une problématique croissante : «De nombreux jeunes Mauriciens diplômés en hôtellerie quittent désormais l’île pour tenter leur chance aux Seychelles, aux Maldives ou aux Émirats.» Les hôteliers doivent alors recruter ailleurs, notamment en Inde, où les compétences linguistiques en français sont plus rares. «La clientèle francophone ne s’y retrouve plus, notamment celle d’un certain âge pour qui la langue reste un critère important », souligne Matthieu Mariotti. « La nouvelle génération de voyageurs, elle, parle anglais et cherche avant tout une expérience différenciante, peu importe la destination ». Une autre façon de s’évader. Pour autant, «Maurice reste la seule destination de l’océan indien avec un vol direct au départ de Paris, nous glisse-t-il. Aller aux Maldives ou aux Seychelles est aussi un effet de mode.»
Maurice reste la seule destination de l’océan indien avec un vol directMatthieu Mariotti, directeur adjoint du tour operating chez Kuoni
Une stratégie d’adaptation en cours
Face à ces attentes nouvelles, certains groupes hôteliers s’adaptent. Dans les adresses du groupe Beachcomber, «chaque client est invité à partager son ressenti après son séjour, et tous les retours sont analysés par un comité dédié à l’expérience client», explique Stéphane Poupinel de Valencé. «L’engouement pour le padel exprimé par nos clients nous a par exemple conduits à intégrer cette activité dans six de nos hôtels. Un plan de rénovation prévoit également la remise à niveau continue de notre parc hôtelier.»
Si l’île ne souffre pas d’un déficit d’image à proprement parler, son positionnement mérite sans doute d’être repensé. «Trop souvent perçue uniquement comme une destination balnéaire, Maurice offre pourtant bien plus : une richesse culturelle, une gastronomie métissée, des expériences authentiques dans les terres et un potentiel fort en matière d’écotourisme», insiste de son côté Frédéric Savoyen.
Source : Le Figaro